dimanche 31 janvier 2010

Le grand barrage de Caucar



Nous sommes dans l’Elgo des années septante, au début, pour etre précis. Le monde moderne vit de grands changements, l’Europe vient de vivre la fin des annéees soixante et en Amerique du Sud, des berets marchent dans les forets et les jungles vers de grands idéaux de libertés prolétaires. Dans les villes, dans l’autre camp, d’autres berets d’une autre couleur manipulent et dirigent les destinees des pays.

C’est l’époque des dictatures militaires qui en s’appropriant les milliards de dollars provenant de ressources pétrolieres, minières et autres, et avec la complicité de familles d’oligarches sans scrupules vont saquer les sud-americains.

C’est comme ci, à cette epoque, à côté des grands espoirs d’humanité qui naissaient de par le monde, de grandes entourloupes mortelles et honteuses pour l’histoire se deroulaient sur cette partie de la planète…

L’histoire commence hier ou en janvier 1973, c’est comme vous le voulez cher lecteur. La region nord de l’Elgo est composée de trois grandes provinces : Chicar à l’extrême nord, Suscambios, plus à l’est ou “vers l’Orient” comme on dit ici et plus au sud et qui est limitrophe avec la province centrale du pays, la province de Imbayar, théâtre de ce recit.

Plus exactement, nous nous trouvons dans la petite ville de Iburra, capitale de la province de Imbayar. Iburra est une ville de fondation espagnole, une ville “blanche” de par son architecture coloniale et traditionnelle aux façades de cette même couleur. Blanche, elle l’est aussi parce – que historiquement, c’est une hacienda qui se trouvait non loin de Saranze ou Otavalanse la ville indienne.

De nos jours, la ville s’est étendue dans les campagnes, disposant de grandes étendues planes entourées de montagnes lui permettant un dévelopement qui repousse sans cesse les frontières de la ville vers le nord et vers l’ouest. La plupart de ses habitants sont des descendants de migrants qui sont venus des provinces voisines, du pays voisin et des campagnes voisines. Rappelons ici que l’Elgo est encore aujourdhui un pays hautement agricole et qu’il a souffert ces trente dernières années de grandes migrations à la fois internes, des villes aux campagnes mais aussi externes, vers d’autres pays plus au nord du globe.

Mais revenons a Iburra ou hier, je me trouvais à une table, partageant un repas avec des voisins lors d’une reunion de quartier. Mes voisins sont des gens de 50 ans passés pour la plupart. Il y a des docteurs qui promènent leurs caniches tous les jours; des professeurs d’ecoles à la retraite qui jouent et enseignent les echecs; une comptable, elle aussi à la retraite, qui après avoir souffert un gros accident de voiture à ouvert une pharmacie pour rembourser les frais de son opération chirurgicale et qui parle presque comme Frida Kalo...

Je me retrouve donc entouré de tous ces personnages qui me paraîssent être sans veritable histoire même si je sais au fond de moi que toute cette génération à vécu les années septante en Elgo et que cela signifiait dictature, répression et silence de la part de parents, de professeurs, de dirigeants politiques locaux et de hautes juntes militaires.

C’est tout d’abord Ernetso le passionné d’échecs qui commence a parler avec un petit verre dans le nez... Tout-à-coup il se tourne vers moi et il me dit “toi le gringito, tu ne dois sans doute rien savoir de l’affaire Caucar!!!”. Moi je suis venu là pour faire mes brochettes, écouter et parler avec les gens de mon quartier sur les affaires du quartier...

Sans plus, et non je ne connais rien sur l’affaire Caucar comme il dit avec dejà des sons semi liquides dans la gorge qu’on dirait qu’il va pleurer sous peu. Les autres, de la même génération que lui, avec leurs petites histoires toujours à la limite entre les petits bourgeois et la classe moyenne pauvre semblent aquiescer quand Ernesto lance le thème sur la table mais très vite lui clouent le clapet et lui demandent de changer de sujet.

Après tout, le soleil est là, les brochettes de porcs sont délicieuses et on a d’autres choses à faire qu’écouter un vieux rabat-joie qui fait penser au passé, au barrage de Caucar et aux années noires. Ernesto est en train de prendre une vraie cuite et il est tenace, Fabian, un autre voisin, chauffeur de taxi et ex - policier le fait littéralement taire avec une grosse tape dans le dos et l’invite a rentrer chez lui, après tout il est 5 heures de l’après-midi et en Elgo, la nuit tombe à 6 heures pile. Ernesto lui retourne la tappe presque dans sa FACE et rentre chez lui en dandinant de la tête et en souhaitant une bonne nuit à tout le monde, “j’ai mieux a faire, dit-il, je vais me coucher”.

Dans cette tappe de bons voisins si l’on peut dire, je ressens toute la decharge de trente ans de lutte pour parler et pour faire taire, l’Histoire ici sent le souffre et dans les manuels scolaires, toute l’Histopire d’un pays se limite aux batailles glorieuses, au liberateur glorieu mais limité parce-que trop seul, aux symboles patriotiques et aux paroles des hymnes de la ville, de la province, du pays etc. À propos, on en viendrait presque à avoir un hymne pour le quartier…

En tous cas, je ne sais rien de la fameuse affaire Paucar et c’est pas aujourdhui que j’en saurai plus. Tout le monde rentre chez soi… Ce fut un bel après-midi entre voisins où nous avons decidé qu’il y avait trop de délinquance dans le quartier et que le comité devra envoyer une office au Maire de la ville pour qu’il installe une aubette à police dans les 500 mètres alentours. Le secrétaire et ex policier Fabian s’en chargera. À vrai dire, il n’y a pas delinquance dans ce quartier mais tout le monde s’en fout pas mal et l’insécurité est le seul sujet de conversation et de préocupation pour ces petites gens petits bourgeois. Moi qui voulait dévier la route des bus qui provoquent des vibrations dans mon living, moi qui voulait questionner les friches laissées a l’abandon et proposer un parc à vélos, moi qui voulait... Je n’ai rien dit, je n’ai pas osé, sans doute atteint du même syndrome que tout le monde ici, celui qui fait oublier les preoccupations et qui te fait vivre ta petite vie tranquille parce-que t’auras moins d’ennuis et où les seuls tracas possibles seront les crottes de chiens.

L’histoire pourrait se terminer là mais c’est sans compter sur cette rencontre que j’ai fait il y a peu. En effet, dans un bar tenu par des italiens, je me retrouve en compagnie d’un pote et nous discutons de choses et d’autres, de la vie, du pays, du quartier et des personages du quartier etc. Arrivent plus tard deux couples, ce sont des amis et on les invite à notre table. Eux sont des rescapes si l’on peut dire. Ils ont la cinquantaine, toujours ensemble, ils ont “vecus” la dictature, ont lutté contre elle et y ont survecus. Ce soir, ils sont venus avec M., elle est veuve mais toujours alègre et toujours prête à aller boire un verre.

Nous continuons a parler de choses et d’autres : le president de la Nation et son goût de la provocation envers qui que ce soit; cela deplaît à Jorge qui s’en prend a celui qui dit –il est “bon mais con” et qui malgre tout continue a garder la confiance de la majorité des equatoriens. Le thème de la hausse des prix des aliments ne fait pas long feu à la table des conversations et la reforme des universités occupe le gros du debat avec un solo magistral de F. qui défend la reforme des universités envers et contre tout “comme si cela s’agissait de l’apanacée” dira J. pour calmer les hardeurs de F. C’est vrai après tout que cette fameuse réforme voudrait changer les choses mais les mauvaises habitudes de la masse de fonctionnaires enracinés et…

F. veut relancer adroitement le débat mais le mot CAUCAR vient congeler toute tentative. Le petit gringot a laché le mot tabou, celui du debat jamais entrepris de l’affaire du barrage de Caucar, et, je le comprends à cet instant, celui qui a traumatisé toute une region et sans doute aussi toute une génération. Un long silence s’installe à la table des conversations, on n’entend même plus le titillement des verres de vins, plusieurs cigarettes s’allument, des regards plus ou moins inquiets se croisent et c’est F., la belle cinquantenaire qui rompt le silence.

“Le barrage de Caucar fut l’une des grandes oeuvres du Président et Général des armées Agustín Ricochet, commence-t-elle... Cela avait d’abord commencé par une bonne gestion d’un projet qui voulait réguler l’arrivee massive d’eau des fleuves de la Région amazonienne et qui, régulièrement inondait la partie orientale du nord du pays. Plus tard, avec l’appuit des USA, on voulut construire trois mini barrages en aval des deux grands fleuves amazoniens de l’Equateur mais tres vite on préféra un immense barrage situé sur le territoire d’un village appelé Caucar. Le projet, beaucoup plus cher et qui allait effacer de la carte plusieurs villages indiens se concretisera coûte que coûte, ainsi en avait decidé la junte militaire au pouvoir dans ces années-la. Au nom du progret, du développement national et du petit dictateur propore sur lui, l’eau serait la source d’expansion nationale et d’independance grâce a l’électricite que le grand barrage de Caucar produirait.”

Aujourd’hui, les coupures d’electricité sont encore fréquentes dans le pays mais certains disent que cela n’a rien de comparable avec la situation d’il y a trente ans. J’en deduis que la construction du barrage de Caucar a donc servi à quelque-chose. Mais alors pourquoi ce long silence, pourquoi ces mines si tristes et de rejet lorsque le sujet Caucar vient dans les conversations ? Que s’est-il passé de si grave ? Qu’a-t-on fait de si horrible au nom de la construction de ce fameux barrage ? Ce grand projet historique des années septante qui pourvoit trois provinces en électricité et en eau possède-t-il des fissures incurables dans les coeurs et les souvenirs des équatoriens ?

“La mort, la muerte” dit F. dans sa litanie. Tout le monde soupire et elle continue à raconter, les tables voisines a la nôtre ne peuvent s’empécher de nous regarder avec de grands yeux et d’écouter ce temoignage poignant qui déchire les veines de l’Amerique Latine.

“Les faits sont les suivants dit-elle avec une froideur qui fait aussi mal qu’un bloc de glace qui se détache du Pole Nord… Le 29 janvier 1973 au petit matin, des centaines de personnes sont mortes suite aux explosions entreprises pour la construction du grand barrage : le général propret et sûr de lui n’avait pas pris la peine d’évacuer les populations locales.”

Ce jour-là, quelqu’un a filmé le drame et sur la pélicule vieille de trente ans, on peut voir très clairement, à plusieurs kilomètres de là, trois ponts qui sautent et des vehicules en transit qui volent en l’air, ensuite, la gigantesque arrivée d’eau engloutit des centaines de maisons noyant plusieurs centaines d’habitants.

Le Mari de F. est mort ce jour-là, il était ingenieur et soutenait une autre version du projet. Il etait resté dans la zone dangereuse avec les habitants qui s’opposaient au projet. Mais personne ne savait ce qui allait se passer ce jour froid de janvier 1973... Des centaines de batons de dynamites avaient été placés pendant la nuit et allaient balayer la vie et celle de centaines de villageois agriculteurs pour qui le projet devait soi-disant améliorer l’ existence.

C’est l’histoire des pays d’Amérique Latine qui est en cause dans cette histoire, la bêtise humaine des dictatures, digne des plus grands genocides qui, au nom du progrès et de la course au developpement national n’ont pas regardé les centaines de vie noyées dans les eaux du Caucar. Cette tache noire de l’histoire de l’Elgo n’existe pas dans les livres d’école. À l’époque, le silence a vite fait place à la fureur suite à l’opération Caucar...

Dans les semaines qui suivirent, il y eu des rassemblements, des témoignages d’horreur de quelques rescapés mais tout cela fut bien vite engloutit par la répression de l’armée et de la police nationale et par la propagande de tous les journeaux de l’époque.

L’histoire officielle retiendra avec le temps que même si le petit dictateur Ricochet aura maintenu le pouvoir durant quatre annees grace aux intrigues, à la repression militaire et aux grandes magouilles, son oeuvre magistrale restera le grand barrage de Cauca qui à l’origine devait s’appeler Barrage du Progres, si ce n’avait pas été sans la perspicacité d’un haut fonctionnaire de l’époque qui changea le nom dans les cahiers officiels en hommage aux populations perdues des village de Caucar.

colombia amiga


Putain ça fait deux semaines que je me charge une douleur, un tas de douleurs au muscle arrière de la cuisse gauche. T’es bien gauche ma cuisse. Comment dans des moments pareils ne pas parler à son corps ? Je parle à mon corps, à ma cuisse, à ma tête et à mon cerveau. L’endroit de la douleur est noir, comme brûlé, mais la douleur n’est pas le résultat d’une brûlure…

Le gars, le corps du gars qui n’est plus, est allongé, la brûlure trace à droite de son front, un trou noir, entouré d’une grosse bosse, un volcan tiré par balle, le projectile dans le cerveau, toutes les fonctions vitales anéanties, le gars encore lui, mort et tué par la vie colombienne d’un sicario à l’arrière d’une kawazaki moyen cylindre.

Pasto – Colombie, j’en reviens gamin.Et des quaterelles y en a plein !!!

Un pays charmant… Aux paysages montagneux, la sierra colombienne, le sud, à quelques heures de l’Equateur. Kif à vrai dire niveau paysages, mais le reste presque rien à voir. Colombie fieu. Le pays des chorizos de trente centimètres que tu manges sur un bâton comme une brochette, des jolies femmes aussi, le pays des morts, le pays en guerre. Dirigé par un président d’extrême droite à la gueule de gamin pourri gâté, blanc à lunettes, cheveux plats et les dents en avant, un slogan sur un mur « non à la ré élection de Urribe ».

Les gens sont sympas en Colombie. Faut arrêter d’avoir peur des colombiens, merde, ils sont trop gentils, trop aimables, à vrai dire ils en prennent tellement plein la gueule que au quotidien ils font tout pour être cool, pour défendre et détendre l’atmosphère. J’te jure fieu. J’en suis sur le cul au point que j’ai honte de m’être un peu énervé dans un magasin devant la caissière qui me faisait perdre patience. J’ai même pensé aller m’excuser, je le fais dans cette lettre, pardon à la Colombie.

Et puis le café, colombien… Boire un expresso en Colombie pour un amateur de café c’était tout fait. Et aussi une boisson fraîche appelée « limonaria pradera », mélange savoureux au soleil : citron en limonade, essence de café « expresso » et beaucoup de glaçons. Et pour revenir au chaud, le café, en toutes sortes de façon mais sans extravagances, classique mais une odeur à couper le souffle. Restait plus qu’à s’acheter un paquet de Royal blonde et le tour était joué, j’avais déjeuné. Pas de latte de coke cependant cher blondin !

Lundi, les farcs avaient assassinés presque l’ensemble d’un collège municipal, mardi, c’était le tour d’un bus de transport inter provinces au sud – est, et mercredi c’était le fonctionnaire du début du texte… Ici, sous le feu colombien, le type des assedics, les socialistes corrompus et un borgne d’extrême droite ne feraient pas long feu...

Trois jours en Colombie fieu. Environ vingt cinq morts. Heureusement que Bush n’a pas envahi la Colombie, ce serait pire que l’Irak et le Vietnam réunis.

Plein de flics partout aussi. Le quotidien gamin. Le gars est allongé par terre, une marre pourpre sang pas loin, son collègue n’a été que blessé. Les deux fonctionnaires avaient interdit le fonctionnement d’un magasin dans la ville. Tu te venges et tu donnes les pesos au sicarios. C’est fini ? T’es vengé en tous cas.

Retour au contexte global… A l’entrée de la ville frontière de Ipiales, une pancarte en couleurs d’au moins vingt mètres de long affiche les photos des grands coupables, guerilleros, certains barbus et coiffés d’une casquette « à la cubaine », portraits souriants sauf celui barré d’une ligne rouge en travers qui dit « capturado ».

Pays en guerre. C’est ce que j’ai répondu lorsqu’en conversant avec un gars qui fuyait le pays pour aller demander l’asile politique en Belgique via l’Equateur et les Nations Unies me disait que la Colombie est un pays qui ne respecte pas les droits de l’homme. Putain j’ai mal. Les gens sont trop gentils en Colombie.

deux cachets sur lavant-bras


« El Mocho » c’est Diego Narvaez Torres, issu d’une des grandes familles de la ville… Un jour, lors d’un accident, il a eu deux doigts coupés, c’est pour ça qu’on l’appelle el mocho (le mutilé)…

« El heladero » c’est Cristian Meneses, issu d’une famille d’origine africaine et désormais métissée dans laquelle les filles naissent avec les cheveux bouclés et la peau de canelle…Depuis que sa mère à un jour vendu des glaces, on l’appelle el heladero…

Les histoires de ces deux potes pourraient être longues et passionnantes voire passionnelles vu le parcours des deux lascars mais sans doute ne suis – je pas la bonne personne au bon moment pour vous faire état de leurs vies. Ce qui m’amène à parler d’eux, c’est que aujourd’hui j’ai été leur rendre visite en prison, « en cana » comme on dit ici…

J’avais déjà expérimenté « el reten » : la petite prison, mais là, eux, ils sont dans la grande. Diego est dans le compartiment des narco – trafiquants : un couloir propret avec des cellules individuelles qui ne sont que des lits – armoires que l’on peut sécuriser avec un cadenas. La majorité des prisonniers sont des colombiens, après tout nous ne nous sommes qu’à deux heures en bus de Colombie. Christian est dans l’autre partie de la prison, dans le patio A, où les prisonniers jouent au billard en plein air, en écoutant du rap californien et du regeton dominicain.

Un peu nerveux et curieux, j’ai donc trouvé la prison en demandant mon chemin à un flic qui lisait son journal des sports dans son tout - terrain garé en face de la mairie. La prison se situe dans le centre colonial de la ville, c’est un bâtiment blanc comme tous les bâtiments de la ville. Classique, ce beau bâtiment devient laid lorsque on se rend compte que ses murs sont grossièrement surmontés de barricades en grosses briques… De l’extérieur, c’est à la vue de ces murs surélevés que l’on se rend compte que c’est une taule ou « un internado » comme dirait Diego. La porte d’entrée est en gros fer noir, la rue est calme, le vent souffle, la poussière vole, le soleil tape, tout est tranquille…

Je frappe, je rentre et le monde change. Quelques personnes sont là dans le couloir d’entrée, je présente mes papiers et on me demande qui je viens visiter. Tout est noté dans un registre qui ressemble à un annuaire téléphonique. On m’appose deux énormes cachets bleus et ronds sur l’avant – bras. Après je passe à la fouille, tout est vérifié, le paquet de feuilles à rouler que j’apporte à mon pote est ouvert et les cigarettes sorties du paquet une par une. Les poches vidées, le maton me parle agressivement, ce à quoi je réponds « pardon excusez – moi, je ne vous comprends pas », le gars répète encore plus agressivement.

A ce moment je m’attends toujours à ce que l’on m’emmène dans une salle de visites ou quelque – chose dans le genre… J’ai pas le temps de me rendre compte que je peux oublier la tranquille et neutre salle de visite de la télévision… Je suis déjà en plein patio, rempli de gens, des gosses, des femmes et des hommes. Je suis dans la prison et c’est le jour des visites. Tout de suite, un gars m’interpelle et me demande qui je cherche… Je dis que je cherche El Mocho. Mon cœur bat assez vite, les regards ne sont pas menaçants mais je ne suis quand même pas à mon aise. Cet endroit ressemble à l’enfer. Très vite mon guide qui est un des prisonniers me demande des sous, je lui dis que j’ai rien sur moi et je lui propose des clopes. Il en prend une et insiste encore, je lui offre trois feuilles à rouler. Ça lui servira sans doute à se faire son « maduro », joint de marihuana mélangée avec de la pâte de cocaïne.

J’arrive dans le fameux couloir réservé aux gros trafiquants que l’on appelle ici « la residencial Madrid » du nom d’un hôtel de la ville. Le gars crie après Diego et à travers une porte coulissante, j’aperçois le visage de mon pote qui me fait un grand sourire. Il est occupé avec sa femme dans son armoire – lit et me dit de patienter. Je me retrouve assis à regarder la télé avec d’autres types dans le couloir, les gens, les familles en visite passent, il y a du mouvement partout. Il y des vendeurs ambulants qui vendent des glaces, un gars qui surveille la porte d’entrée, tous sont des prisonniers. Jusqu’à ce moment je n’ai pas encore vu un seul maton à l’intérieur de la prison. Je n’en verrais pas un seul jusqu’à ma sortie deux heures plus tard : comme une petite ville dans la ville, la prison est gérée de l’intérieur par les prisonniers eux – mêmes.

Diego sort de son tiroir et Amérique et amitié Latines obligent, l’accolade est franche. On s’échange des nouvelles… On discute et quelques mots en français nous échappent : Diego a vécu dans le temps à Liège. Diego fume du basuco et un demi - kilo de marihuana par mois, c’est pour ça qu’il est à l’ombre pour trois ans. L’ombre justement… A 7 heures du mat’, tout le monde debout pour le comptage des prisonniers. On distribue du pain et on va chercher son café par un trou creusé dans un des grands murs de l’enceinte. Après, on lit, on regarde la télé, on vague à ses occupations. Diego peint, Christian lit… ou fait des bagues en coco. A 17 heures, tout le monde en cellule pour la nuit.

Après avoir discuté et rigolé avec Diego, on va voir Christian : même chose, on le fait appeler et sa tête sort de son tiroir avec un grand sourire. Lui aussi est avec sa femme et sa petite fille en visite. Je me fait apostropher par un gars qui me demande des sous, on tchatche un peu et je lui sors quelques pièces. Dans le patio central, tout le monde est dehors, il est 15 heures et les visites durent jusque 16 heures. Il y a plein de monde, le regeton fait bouger les têtes. On s’assied à trois et on discute. Un petit jeune nous regarde depuis 10 minutes, il a l’air mal en point. Ses yeux brillent par le mal et ils sont à l’image d’un système répressif manipulé par des tarés inconscients. Christian lui dit de ne pas nous emmerder et qu’il aille voir ailleurs. Le petit gars insiste et se rapproche. Il fixe toujours ma tête de gringo et me dit que je suis gros. On est mort de rire… Mort de rire, on le sera souvent, on parlera de la rue qui leur manque, de la bouffe dégueulasse, d’une grève qu’ils ont fait il y a deux mois et où toutes les personnes en visite ont été gardées pendant une semaine dans la prison. Les revendications étaient de renvoyer tous les prisonniers colombiens dans leur pays et la réduction des peines. On attend toujours… Peut – être que si Abdallah Bucaran ex – Président surnommé « el loco » (le fou), déchu par le peuple il y a trois ans, en exil à Panama revient au pays, on sera gracié disent – ils. C’est déjà arrivé…

Dans la prison il y a des ateliers de céramique, de fabrication de sandales et il y a un gars qui fait des pipes en verre qu’il exporte en – dehors de la prison. De sa chambre, Diego peut voir les couchers de soleil sur le Cotacachi, une des montagnes des alentours. Christian lui, voit la lune se lever derrière la colline de Pimampiro au nord – est. On me dit qu’il y a souvent des bagarres au couteau… Christian souffle à un gars qui n’a pas l’air commode qu’il aurait dû planter « una puñalada » (un coup de couteau) au lieu de se contenter des « puñetes » (coups de poings) lors de la dernière bagarre. Depuis que je suis entré dans cet entre magnifique, j’ai oublié mes valeurs mais quand Christian me présente sa femme et sa petite fille de trois ans, je constate que l’instinct humain est bien présent dans cette cour tantôt des miracles, tantôt de saloperies.

On se grille des clopes et je me demande quand l’heure de partir arrivera… Un gars passe et mes potes me disent qu’il est fou, « rallado el mate » (cerveau brûlé). Tant que eux ne le sont pas, je suis rassuré. L’heure de partir arrive, une dernière accolade, je dis que je reviendrais souvent et que j’apporterai des pinceaux pour Diego et des bouquins pour Christian. Les deux sont des artisans confirmés, l’un est artiste peintre d’hallucinations et l’autre un glacier artisanal hors paire. Ils sont tous deux mes potes et ils sont tous deux à l’ombre…

Je ressors en récupérant mon passeport bordeaux et dehors je suis content de marcher dans la rue avec mes deux cachets sur l’avant – bras qui me resteront indélébiles. Je (ne) suis (pas) libre… (Pas) comme eux, et ça me fait chialer à l’intérieur.

(Ecuador 2004)

simon sister


Simon qu’il a dit... Je lui demande quelques dollars d’herbe et il répond « simon », expression affirmative équatorienne, prolongement du « si », une espèce de « oui man », le si équatorien anglicisé et amélioré qui fait penser au grand héros de la libération latino – américaine, le grand Simon Bolivar, dont il y a même une Place à Paris qui porte le nom. Donc, il me dit ça le gars…

C’est bon, on fait le deal à part du groupe histoire de ne pas faire « la foca », histoire de rester un minimum discret. On ne sait jamais dans ces petits villages où les gens aiment bien parler sur le dos des autres, ce serait mal venu, surtout que mon pote, il a déjà trois ans de taule dans le cul. Il y a bien quatre grammes de colombienne dans le papier scolaire qu’il me donne plié en quatre. C’est bon, j’ai de quoi faire quelques joints pour la soirée.

Mais déjà je pense à autre chose, à la base de coca avec son odeur délicieuse et dangereuse… Je me dis, un bon « maduro », herbe et base, ça pourrait le faire ce soir, surtout que je serai seul à la maison et ce truc - là c’est mieux quand tes « solero ». C’est tout bon, je rentre chez moi cool tranquille et sur le chemin je rencontre Soraya. Une colombienne de Cali qui faisait le trottoir là – bas et qui pour des raisons obscures est venue s’installer dans le pays.

Elle est belle comme d’habitude, bref une colombienne quoi… Un cul d’africaine et une peau chocolat au lait très claire. Je lui dis direct que j’ai de quoi faire une mini session dans l’instant là. Elle ne réfléchit pas, vaut mieux pas dans ces cas – là et on monte à la maison. En montant l’escalier abrupte de mon immeuble, je me dis que je dois quand même faire gaffe, cette bébé est capable de me faire un sale coup, genre me piquer un truc de valeur rien que pour aller se fourguer en dope. Typique des accrocs à la base de cocaïne.

En même temps je me dis que ça fait hyper longtemps que je n’ai pas baisé et que là, avec de la dope ça pourrait le faire. On rentre dans l’appart et je sors la mate direct, j’installe tout ce qui faut sur la table en verre du salon, j’allume une bougie, le briquet, les feuilles que j’ai été acheter trois dollars à Otavalo, la beuh et la petite enveloppe contenant la base. Je sors une bouteille d’eau du frig’ histoire de dessécher la gorge en temps voulu… Direct je me fais une pipe et je me prends une grande taffe qui me lance dans un gros nuage où tout est à la fois doux, précis et obscure. Je pense à peu de choses.

On est assis l’un en face de l’autre, il y a dix minutes je pensais à son cul mais là je m’en tape, tout ce que je veux c’est continuer à fumer ma pipe. Elle, elle se fait des lignes, putain elle m’avait pas dit qu’elle avait de la coke celle – là ! C’est bien cool ça… Elle me prépare trois lignes de trois centimètres que je m’enfile aussitôt. Evidemment là c’est autre chose avec de la perica dans la tête, l’image de son derrière magnifique me revient à l’esprit et je matte son jeans à poches quand elle se lève pour aller aux toilettes…

Soraya tes trop belle je pense… En même temps mes doigts et mon cerveau sont déjà branchés sur le pistolo que je vais me faire. Je prends du tabac et je le mélange avec les petites pierres blanches. Avec l’effet de la coke, la fumée entre dans mon corps comme quand je bois de l’eau. C’est bon… Je lui passe une taffe après qu’elle se soit rassise. On se regarde un peu mais on est très occupés dans nos dallages respectifs. Le joint de base se termine, un verre d’eau et on commence à discuter…

Une heure passe. Discussions, anecdotes personnelles et lignes sur lignes… Elle a au moins trois grammes sur elle. Dans la rue, on entend une sirène de flics. Il est trois heures du mat’ et la nuit se passe bien. Depuis le temps, on s’est couchés dans le lit et en écoutant la radio colombienne, c’est elle qu’a insisté, on matte la télé en sourdine.

Je commence à prendre des lattes sur son ventre, je lèche, je sniffe, je lèche et je sniffe, ainsi de suite… On s’endort vers cinq heures et elle reste là, endormie, on dirait une gosse de quinze ans pourtant elle doit bien avoir trente – cinq. Je me réveille pile poil pour aller au boulot vers neuf heures et là elle commence son histoire, qu’elle veut rester chez moi pour quelques jours, pas plus. Je la regarde d’un mauvais œil et je lui dis attends je vais prendre ma douche. Quand je sors de la salle de bain, il y a une odeur de café dans la maison, cette gonze est chez moi depuis hier et elle sait déjà faire marcher ma machine à café toute pourrie que je pensais qu’il n’y avait que moi qui comprenait le fonctionnement. Merde !

Là elle a gagné un point. En plus, elle me sort, « un petit café amor mio ? ». Putain je le crois pas, ça fait dix ans que je vis sans bonne femme et du soir au matin, v’la Soraya, la colombienne la plus belle de ma rue qui s’investit dans ma petite vie quotidienne. Ouais mais ça va aller ici que j’dit ! Putain de merde c’est pas une petite putte colombienne qui va changer tout comme ça, parce – que elle sait bien faire le café et parce – que elle adore que je lui lèche le con avec de la coke dessus, non faut pas rêver non plus. Mais là j’suis déjà en train de rêver ou de délirer…

Elle est cool, ses histoires de vie pendant la nuit étaient trop émouvantes, son cul entre mes mains était trop bon, et quand je l’enculais elle disait « papiiii ». Comme dans les textes de bachatas dominicaines. Bref, je me perds dans mes illusions et dans les souvenirs de la nuit passée et je pars au boulot en la plantant là, chez moi, avec tous mes trucs, un gros gage de confiance que je lui donne en fait.

En partant, elle me lance en riant « solo eres un puto machista !!! ».

l'après Lucio (avril 2005)

INTERCAMBIO ENTRE UN BELGA Y SU CONCIENTE ECUATORIANO
¿No crees? Simon paaana, le quieren sacar al man. Te imaginas... Esto suena a como hace algunos años cuando todos nos rayamos, cuando se rayaron... Es que ponte pilas, al man le dicen (algunos no todos pero mas y mas), le dicen dictador. ¿Cachas? Eso ya es grave. Pero los manes para hablar son graves mismos, como que saben exagerar... Claro pero seguramente que en este caso la exageracion llama a la exageracion... ¿No ve? Chutcha de ley hermano, esos manes, presidente tambien estan graves, la situacion misma esta grave. ¿No le vistes ayer en la pantalla al Man? Simon, encarcelado en su jaula en el centro historico de Quito... Con las luces prendidas en su despache todavia, como un general en campañia. Elaborando tacticas y estrategias del miedo, represion, cagandose mas todavia. La otra vez me topo con un negro panson de la ciudad de Caracas Venezuela que vive por aqui y me dice que le hace recordar a Chavez hace un año. Le digo pero Chavez hizo un referendum lo que hizo escribir a Galiano que era un acto democrata historico en la historia mundial... Total, al milico popular Caraceño le eligieron otra vez. A este man de aqui, que no se sabe si es licenciado en educacion fisica o ingeniero, no se le ocurrira ni cagando hacer la misma cosa... No creo, ni cagando. Lo que pasa es que el man jugo con los sentimientos del pueblo y de los demas ecuatorianos dandole nuevo credito al loco. Haciendole volver al loco y otros mas pinches ladrones de la “patria”, llego a ser loco tambien. Por eso se cabrea la gente... Como le vas a hacer volver a un tipo loco, ahi si dictador populista tipo Berlusconi a mil por ciento, a un pais donde el orgullo esta dibujado en la bandera clarito, a golpes de escudo, barco, montaña, condor y tales... ¿Como? Ahi si la gente se vuelve a enojar. El man mismo se cabo su propia tumba. Y otra vez te digo al man desde hace rato le dicen dictador. Esto me hace pensar a una pelea entre poetas que cuenta Neruda cuando tal poeta se pelea contra otro para saber si Peron de la Argentina es, o era un dictador. El uno decia pero donde estan la camisas negras, los desaparecidos etc. Pues... ¿Osea que existe un margen, un cierto nivel para llegar a ser dictador? Aqui ya hay casos de desaparecidos, pocos pero si hay. Muertes, asasinatos oscuros. Oscurantismo de parte de un individuo y su cliqua, pintando una politica personal y miedosa, escondiendose detras de las luzes del palacio... Simon, el man, dictador si ha de ser. Dictador de siglo 21, con tremendas gafas y sombrero de hacendero, distribuyendo regalitos en pueblitos amazonicos, aeropuerto en la nada, y carteles de sueñios. Este es el nuevo tipo de dictador, un man que lo llego a ser sin darse cuenta porque dirije a un pais grande como la mitad de Francia como dirije una plantacion de bananos. Un man que perdio todo sentido de manejo fragil del poder a nivel nacional. Un tipo que a estas alturas lleguo a ser ciego, inutil e incapaz de actuar frente a los eventos. ¿Entonces que, el man cae? Puta madre es que se arma un problemon... No ve que el man, ahorita, esta mas orgulloso que todo los ecuatorianos reunidos... Ahi se arma bronca. Full gaz en el centro historico de Quito y un viejo se muere dejando una madre y dos niñas huerfanas. De ley que la situacion va a ir de peor en peor. Y la huevada, segun lo que veo es que ahora, como en otras epocas de este continente herido, el verdadero poder se encuentra en manos del ejercito y de la policia. Pero la verdadera policia en el sentido griego de la palabra es la democracia, en el verdadero sentido de la palabra, es decir, el poder de la gente o del pueblo, tomando plazas, calles y palacios. Asi que en el siglo 21, donde si hay revoluciones imposibles dentro de sistemas ultra organisados y controlados por el ojo mayor controlisador, existen todavia aldeas en esta vieja tierra cansada donde el humano puede influir sobre el control existante, cuando este se vuelve loco. ¿Pero que miedo no ve? No te digo del miedo a salir, del miedo a uno para uno, sino a nivel de sociedad, que miedo... ¿Cuantos va a ver? ¿Cuanto tiempo va a durar este destacamiento cerrado en el cual se encuentra el man? Hasta que el man le cogan y le pongan en un avion lejos de aqui, lejos de su amazonia natal, sabemos que va a ser largo, duro, y represor como nunca talvez. Claro si el man es milico, habla de muerte para conseguir algo, para conservar honor y otras huevadas mas. El man esta loco. Un loco mas que hay que hechar a fuera. Un loco que fue elejido por una nacion de locos. Veremos que pasa pero esta seria, tendida la cosa y en tal caso hubiera sido mejor que la persona que maneja este pais tan loco hubiera sido una loca... Una mujer presidente como talbez, lo sera la proxima presidente de Chile... Simon pero te vas en otra onda. Claro es que no hay mas, hay que ver mas alla de las cosas. Egual no ve, hay que seguir trabajando, dandoles su tanto a cada cual, salir a caminar, a protestar de noche para poder camellar de dia a que el pais nos se bloquee otra vez y se haga peor. Hoy, que se levanta el dia y el pais a la derecha, veremos que pasa. Chutcha pero estamos cagados... ¿No ve? Simon.
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